C'est si gentiment demandé

ou, le salon du livre comme si vous y étiez.
Alors le salon du livre c'est un truc qui ne me correspond pas du tout.
Je ne parlerai que de mon avis, de mon ressenti, de mon expérience et tout et tout. Ce n'est qu'une image déformée par des années de métier et de déception.
Mé nan, j'y crois encore un peu, si, si, j't'assure !
Alors le salon du livre c'est un truc étrange quand tu y vas la première fois.
D'abord, on te fourni un badge que tu dois porter sinon, à la première demande de renseignements que tu fais, tu deviens invisible, transparent ou alors on te répond façon ni oui ni... oui, parce qu'il y a des codes particuliers et puis c'est très corporatiste, vraiment tout ce que j'aime.
Donc, une fois passé l'entrée, les contrôles et vérifications que tu n'es pas un imposteur, tu te retrouves au milieu d'une allée.
Après c'est un peu Kohlanta, soit tu sais gérer le manque de tout, soit tu te démerdes comme tu peux.
Et c'est là que tu constate que le badge c'est tout.
Dès que tu approches d'un stand avec dans la gestuelle une marque évidente de curiosité, les yeux des interlocuteurs potentiels sont rivés sur le badge pour savoir ce que tu es.
Bon, moi, je suis le mauvais client puisque toutes les informations que je cherches sont soit étalées sous mes yeux, soit absentes des supports de com utilisés et donc inconnues des interlocuteurs et je prends un malicieux plaisir à mettre mon badge à l'envers pour en rendre la lecture incommode.
Une vraie peste, mais j'assume.
Donc, j'ai appris (avec le temps) à ne plus répondre à la mi-question mi affirmation :
"Je peux vous renseigner ?"
Par (genre voix grave de picard pas content de se retrouver là) : "Non merci, j'arrive encore à lire"
Mais plutôt par un sourire que j'espère aimable et un simple "merci bien mais ça va hein !" sur un ton très proche d'une pensée genre "tes conseilles tu te les gardes pour tes soirées de solitude et tu oublies jusqu'à ma présence".
Ha le mieux, j'te raconte. Une fois, quand on était célèbres, avec une collègue on s'était vu invités à la présentation d'une nouvelle collection par un éditeur très goncourtien.
Là, j'ai vécu un truc immonde.
Imaginez un chapiteau avec vigiles en plein milieu du hall des expositions (ça coute un max).
Imaginez une assemblée composée de gens sensés représenter une certaine élite ou une élite certaine de la culture et de la lecture.
Imaginez les discours de l'actionnaire, du PDG, du responsable d'édition, du directeur de collection et le temps qui tourne pendant cette auto-congratulation.
Tout le monde est dans les starting-blocks attendant la fin de cet enchainement de mots tous ressortis d'un dictionnaire des bonnes manières du XIXème siècle.
Soudain, le moment est arrivé, la phrase qui transforme l'assemblée de gens respectables en porcs et et en truies : "Retrouvons-nous autour d'un verre".
Et là c'est l'horreur !
Vous pensiez vous trouver au salon du livre et vous vous retrouvez dans milieu d'une scène d'émeute, cernés de pillards qui ne pensent qu'à se baffrer et à remplir sac à main, poches et tous contenants qui pourra soustraire à la vue du voisin un éventuel petit four qu'il convoiterait également, alors que pourtant vous étiez persuadés de ne pas être un des survivants d'un puissant séisme.
Il vous est impossible d'approcher le buffet pour espérer, non pas vous aussi vous délecter d'une sucrerie, simplement avoir la chance d'apercevoir ce qui s'y trouve, vous oubliez direct, c'est mort.
Pourtant ces gens semblaient avoir de la tenue, de bonnes manières mais non, même pas, un ramassis de viandards et d'opportunistes, ce que l'humanité est capable de produire de mieux dans le genre.
Comme c'est beau la vie en société...
Bref, revenons au moment ou ayant passé l'entrée on erre comme un désœuvré au milieu de stands tous plus bling bling les uns que les autres (au moins pour les éditeurs qui veulent en imposer.
Là, si tu as un but précis, mieux vaut être équipé de la fonction GPS ou savoir lire le plan que tu auras mis un peu moins de 3/4 d'heure à trouver (cette année, l'organisation avait penser à mettre le stand les fournissant juste au niveau des entrées, trop fort).
Te voila armé d'un plan.
D'un côté des coordonnées façon F-5 pour les éditions "Pages & Encre" ou alors V-78 pour le stand des nouvelles technologies (nan j'rigole y avait que Sony qui présentait sur livre électronique avec un catalogue reprenant tout les classiques de littérature d'un étudiant en lettres anciennes).
Alors, fort des coordonnées, tu retournes le papier pour te repérer sur le plan en lui-même et tu t'orientes comme tu peux en cherchant le F-5 sur les panneaux accrochés aux angles des "rues" ou sur les façades des stands.
Oué, sauf que les panneaux indiquent les noms des éditions et pas les coordonnées.
Ça aide pas, je t'assure !
Bref encore, tu marmonnes tout seul que le monde est mal fait et tu arrives avec une humeur de chien devant un pauvre étudiant qui tient un stand et qui semble plongé dans un abime de perplexitude quand tu lui demandes de façon trop précise un renseignement ultra trop précis.
Oué, en fait quand je vais (j'allais) au salon, c'était avec l'espoir d'enrichir ma curiosité sur un truc bien précis après avoir éplucher en long en large mais aussi sur la hauteur tous les catalogues disponibles.
Donc forcément sur place, c'est un peu la régression, genre tu débarques de ta soucoupe au milieu d'une assemblée moyenâgeuse de paysan du plateau Picard.
Tu te sens très seul.
J'exagère à peine.
En gros ça ressemble a Manhattan, sans les gratte-ciel et sans les américains. Tu y trouves des stands façon Central Park immense, dégoulinant de bouquins et d'autres plus petits genre 3m² avec de vrais passionnés de leur métier et entre les deux, tous ce que l'édition peut faire de mieux et de pire.
C'est en gros une immense librairie ou chaque rayon est remplacé par un éditeur.
On y trouve aussi des conférences, des studios de télé et de radio, des tables rondes thématiques, un pays étranger invité vedette passé sous silence (cette année) parce que politiquement pas en odeur de sainteté élyséenne : la Turquie.
Nan, c'est vraiment très particulier.
C'est un excellent reflet de ce qu'est notre société, toute en contradictions et en merveilles mais moi ça me fatigue.
En tout cas, j'y retourne l'année prochaine mais pour la journée professionnelle.
C'est la mieux.
C'est là que l'on peut renvoyer à nos interlocuteurs tout le mépris qu'ils affichent en lisant nos badges et j'y surexploiterais une phrase d'un dessin animé qui m'a fait hurlé de rire :
"Toi tu dégages, j'ai même pas envie de te parler !"
Comment ça va être trop bon !
Plus sérieusement, c'est très intéressant pour suivre l'actualité des publications et avoir un maximum d'occasions pour consulter les livres et se rendre compte s'ils correspondent à ce que l'on cherche. Sinon, ça n'a aucun intérêt vu que les éditeurs souhaitent ne plus y venir à grand renfort de décors, qu'ils n'y fournissent plus trop d'affiches, catalogues ou marque-ta-page promotionnels zé publicitaires, et qu'ils n'ont toujours pas remplacé les jolies filles en tenues moulantes qui sont prêtes à vous dire tout ce que vous voulez savoir du moment que c'est dans le texte qu'elles ont appris par cœur par des beaux gosses qu'on s'en fiche s'il ne savent même pas lire.
Nan, j'vous l'dis, tout fout le camp mon pauvre monsieur !

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