domahom (a blog odyssey since 2001)

Au boulot, je reçois un public senior pour de l'initiation et/ou de la formation aux outils numériques.
Depuis quelques semaines, je savais que des résidents de la maison de retraite toute proche étaient intéressés et allaient venir profiter de mon savoir immense dans le domaine (wê je sais mais bon j'ai le droit de me la raconter bordel, chui ché moi épicétou).
Aujourd'hui ils viennent à deux.
Un monsieur que je connais déjà pour l'avoir dépanné à plusieurs reprise et une dame dont je ne connais que le nom.
A peine arrivés, le monsieur s'excuse car il ne pourra pas rester. En effet sa fille qu'il n'a pas vu depuis deux ans, et ses deux petits fils également, se sont annoncés pour lui rendre visite.
Habituellement nous faisons un concours de mal rasés et mal fringués, là, je passe clairement pour le clodo et lui le playboy !
Je reste donc seule avec la dame, fraîchement veuve, 90 ans, déracinée de sa vallée du Rhône pour atterrir en grande couronne parisienne sur décision de sa fille... ambiance...
Je me présente, j'explique qui je suis, ce que je fais et pourquoi elle est présente dans mes murs.
Au bout de 3/4 d'heure, la glace se rompt et elle me raconte, entre deux sanglots, l'histoire toute fraîche de son veuvage... mari atteint du covid, coma thérapeutique, il ne se réveille pas, fin de l'histoire.
Elle pleure.
Je ne laisse pas le silence s'installer car c'en serait ingérable.
Elle pleure et s'excuse de pleurer.
Je lui dis que pleurer est un signe du bon fonctionnement des glandes lacrymales et que si elle pleure c'est que sa peine est encore trop fraîche et violente.
Elle pleure en souriant.
Enfin, elle se reprend et me dis : "Je ne sais pas pourquoi je vous raconte tout ça, à vous que je ne connais pas, je n'en parle jamais à personne."
Peut-être que je suis un aimant à personnes en détresse et/ou une éponge à confidences, je ne sais pas trop, mais oui, régulièrement au boulot, au lieu de parler informatique je prête mon oreille et fournis des mouchoirs.
A la maison, le jour où mon mari se mettra à me faire des confidences, là, je saurai que l'heure est grave...