Je pense aussi à eux

J'ai rien à dire d'autre que ce que j'avais déjà dit en janvier, après le carnage de Charlie, alors oui, je pense aussi à eux, eux qui en sortent vivants.
Vous n'êtes pas préparés à cela, comment pourrait-on l'être après tout ?
On n'apprend pas à survivre, on n'apprend pas à être un survivant, c'est juste un rendez-vous manqué avec la mort.
Ça c'est joué d'un rien, mauvais timing ou ange gardien, fatalité pour d'autres, chance de cocu pour toi.
Tu dois comprendre que ce n'est pas ta faute d'avoir été là, au même endroit que ceux qui sont tombés alors que toi tu es encore là, debout, vivant.
Et il n'y a toujours pas de réponse à : Pourquoi moi ?
Tout ce que je peux te dire, c'est de parler, d'en parler, de nous parler, de leur parler, mets des mots sur tes sentiments même si tu ne connais pas celui-ci, c'est normal il est tout nouveau.
Tu verras ensuite que le temps sera ce qui te manquera le plus pour vivre avec ça.
Tu auras peur, tu pleureras, tu sursauteras, tu trembleras, tu hésiteras, tu chercheras, et, même si tu ne trouves pas, même si tu ne guéris pas, tu es vivant, VI-VANT !
Aime la vie, aime-toi, aime les gens, les autres, l'herbe, le sable, la pluie, le soleil, l'attente, la douleur... aimer c'est exister même si ce que tu aimes te fait mal.
Tu aimes donc tu es
Ça, ils n'ont pas réussi à te le prendre, alors c'est à toi d'être conscient et de profiter de tous ces cadeaux auxquels tu ne prêtais pas attention... avant

Il y a 30 ans j'ai pleuré, en janvier aussi j'ai pleuré, la semaine dernière j'ai encore pleuré, je pleurerai sans doute bien des fois et toi aussi tu as le droit de pleurer.
Certains jours, tu t'imagineras que tout va bien, que tu vas mieux, mais prépare-toi, c'est juste là, tout à côté, intacte, prêt à bondir sur toi pour te paralyser, se rappeler à ton bon souvenir tel un lutin maléfique qui prend plaisir à te fait booh quand tu passes.
Ça fait 30 ans que je vis avec ça, que j'essaie de vaincre mes peurs, avec les réflexes de protection contre des ombres, des présences, des gestes, des cauchemars, des mots, des images, des riens... vaincre mes peurs... quelle futilité ! Je n'y suis pas arrivé, je n'y arriverai jamais.
Mais toi, tu y arriveras peut-être...
Putain de mémoire !

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